Tournée de Familiarisation – Eeyou Istchee Baie James
Par Fanny —
Quand on m’a dit « Fanny, veux-tu aller à Baie James en Fam Tour? » j’ai évidemment dit oui car pour moi synonyme de région reculée et donc méconnue. Mais à vrai dire, je ne savais pas trop à quoi m’attendre…
Mais avant de vous raconter mes aventures pendant le séjour, il est bon de faire un petit rappel historique.
Un peu d’histoire….
La Baie James (ou baie de James) est un grand golfe prolongeant vers le Sud la baie d’Hudson au Canada. Elle est limitrophe des provinces de Québec et d’Ontario ; les îles dans la baie font partie du territoire de Nunavut. La baie attira pour la première fois l’attention des Européens en 1610, lorsque Henry Hudson y pénétra durant son exploration de la grande baie qui porte aujourd’hui son nom. La baie James elle-même reçut son nom en l’honneur de Thomas James, un capitaine anglais qui explora plus complètement cette région en 1631.
La baie James est importante dans l’histoire du Canada, faisant partie des secteurs les plus hospitaliers de la région de la baie d’Hudson, acquérant par conséquent une grande importance pour la Compagnie de la Baie d’Hudson et l’expansion britannique au Canada. Le duo d’explorateurs Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart, Sieur des Groseilliers fonda le premier poste de traite des fourrures sur la baie James, Rupert House, et leur succès fut très important. Une activité significative de traite continua dans la région jusque dans les années 1940, mais de manière générale la baie James perdit régulièrement de l’importance quasiment depuis le début de la fondation de la Compagnie. Ce fut néanmoins la porte d’entrée pour les établissements britanniques dans ce qui allait devenir le Manitoba (Winnipeg, par exemple) et aussi loin à l’ouest que les Montagnes Rocheuses.
La région de Baie-James du Québec est revenue au premier plan en 1971 en raison du lancement par le gouvernement du Québec d’un projet de développement hydroélectrique sur les rivières de la baie James, en particulier la Grande Rivière et la rivière Eastmain. Le projet de la Baie-James comprenait la dérivation des rivières Eastmain et Opinaca vers la Grande Rivière, la création de plusieurs vastes réservoirs et la construction d’une série de centrales hydroélectriques sur la Grande Rivière.
Mais qui dit Baie James, dit communauté amérindienne Cris. Avant les années 1950, les Cris sont à peu près les seuls habitants permanents de la Jamésie. Ils vivent surtout d’une économie de subsistance, complétée par des revenus commerciaux provenant de la trappe.
En 1975, La Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) va constituer un règlement général québécois entre le gouvernement du Québec et les représentants des Cris et des Inuits du Nord-du-Québec sur les revendications territoriales de ces derniers.
Elle prévoit une large autonomie politique et administrative pour les communautés autochtones et leur accordent des droits exclusifs de chasse, de pêche et de piégeage sur des territoires de 170 000 km², ainsi que des compensations financières à court et à moyen termes d’environ 234 millions de dollars. En contrepartie, le gouvernement du Québec obtient le droit de développer les ressources hydrauliques, minérales et forestières du Nord du Québec et de leurs droits ancestraux.
Les principales signataires de la convention de la Baie-James sont le Grand Conseil Cris, les Inuits du Nunavik, le gouvernement provincial et fédéral, Hydro-Québec et la Société de développement de la Baie-James. La CBJNQ a été signé le 11 novembre 1975.
Pour ceux qui veulent approfondir ce sujet passionnant:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_la_Baie-James_et_du_Nord_qu%C3%A9b%C3%A9cois
Jour 1 : Vendredi le 11 septembre 2015
Me voici donc partie pour cette région méconnue du Québec, la Baie James!
Situé au nord de l’Abitibi-Témiscamingue et au nord-ouest du Saguenay, sur littoral sud est de la Baie d’Hudson, cette région représente environ 1/5 de la province du Québec.
Pour y aller, 2 choix : la voiture mais depuis Montréal, 800km pour y accéder c’est long, alors comme je n’y suis que pour 5 jours, l’avion est la meilleure solution!
Après un vol Air Creebec via Val d’Or, j’atterris à Waskaganish, une des 9 communautés autochtones Cris de la région, à proximité de la rivière Rupert et surtout de ce qui fut l’emplacement du premier poste de traite des fourrures du Canada, ce qui lui vaudra son nom, puisque Waskaganish signifie « petite maison » (terme utilisé pour décrire les postes de traite par les premiers résidents).
Visite rapide de la communauté pour observer leurs techniques de pêche en rivière et le travail du poisson (vidage, fumage…). Leurs journées sont essentiellement occupées par ce travail : les hommes pêchent le Cisco au filet dans la rivière Rupert, puis les vident en compagnies des femmes de la communauté (tout est récupéré pour être mangé!) et les font ensuite fumer dans des fumoirs.
Puis petite balade en forêt pour accéder au belvédère offrant une superbe vue sur la rivière Rupert et Smokey Hill (île au milieu de la rivière où des campements pour la pêche et le fumage des poissons sont installés par les Cris).
Cette activité d’immersion dans la communauté avec excursion à Smokey Hill est proposée aux visiteurs qui souhaitent en faire l’expérience. Un guide les mènera à la rencontre de ces personnes qui souhaitent vraiment faire connaitre leurs modes de vie.
Nous prenons ensuite la route de Waskaganish vers Matagami (340km – durée : 5h30)
Après 102km de route de gravelle, nous voici sur la route de la Baie James, seule route reliant Matagami au sud à Radisson au Nord (620km) on retrouve l’asphalte mais l’état de la route laisse parfois à désirer, la vitesse étant limitée à 100km, il faut souvent ralentir pour éviter des trous ou bosses.
Vous ne croiserez pas énormément de voitures…et mieux vaut ne pas se mettre à dos les quelques véhicules rencontrés car il y a de très bonnes chances pour les recroiser plus tard à Matagami ou Radisson!
Côté paysage, plus on descend, plus la Taïga laisse place à la forêt Boréale.
Nous arriverons en fin d’après-midi à Matagami et à notre Eco-Lodge au cœur de la forêt boréale!
Un trottoir de bois (boucle de 3.1 km) à travers la forêt nous amène directement aux chalets tout en bois à 2 pas du lac Matagami et aux 2 yourtes très confortables et à l’empreinte écologique : électricité solaire, toilette sèche, eau du lac pour la cuisine et la salle de bain (bidon d’eau potable mis à disposition).
Chaque hébergement possède sur son balcon son bain nordique chauffé au poêle à bois qui permet de se détendre en plein cœur de la nature, sous le ciel étoilé de la Baie James!
Le principe de ce paradis en pleine nature est aussi communautaire…Il est possible d’apporter sa nourriture et de faire ses repas à son chalet ou yourte, mais ses sympathiques propriétaires, proposent également la formule du souper communautaire où tout le monde participe à la confection du repas dans leur yourte et où la dégustation se fait ensuite autour de la même table, ce qui créé de belles rencontres!
Jour 2 : Samedi 12 septembre 2015
Une autre journée dans notre petit paradis boréal!
Après un bon petit déjeuner communautaire avec nos hôtes, nous partons pour la sortie du coureur des bois.
Pierre et Catherine connaissent très bien la région et sa nature pour y résider depuis plusieurs années et sont des passionnés!
Nous partons donc pour une balade d’au moins 3h à la recherche de champignons et à la découverte de la flore de la région. Nos hôtes nous en apprennent beaucoup sur les champignons et comment les reconnaitre, comment les cueillir…on se croirait à une chasse aux œufs de Pâques, il y a une telle abondance et une telle variété d’espèces que personne ne peut décrocher son regard du parterre à la recherche d’un nouveau champignon bizarre!
Nous n’hésitons pas à nous tailler un chemin au travers de la forêt pour dénicher les fameuses chanterelles qui feront parties de notre souper, mais aussi marcher sur un chemin de mousse qui nous guide jusqu’au lac Matagami…bref, on ne peut que se laisser charmer par cette nature si abondante et magique!
En fin d’après-midi, 3 d’entre nous partent en chaloupe sur le lac avec Serge, un pécheur d’expérience que nous assisterons et qui nous expliquera en détails comment les différentes espèces s’attrapent. Finalement, en soirée nous pourrons déguster le résultat de sa pêche…
Pour le souper, un bel emplacement avait été installé sur la plage pour un grand barbecue. Au menu, porc mariné barbecue, chanterelles fraîchement cueillies, outardes sur le feu, maïs…
Jour 3 : Dimanche 13 septembre 2015
Cap sur le nord! Nous reprenons la route en direction de Radisson par la route de la Baie James (62
0 km)
En route, nous nous arrêtons pour le diner au Relais du Km 381 (Route de la Baie-James), seul arrêt sur la route entre Matagami et Radisson avec un poste essence et un restaurant (style cantine…rien de gastronomique). Cet arrêt est avant tout un ravitaillement pour les camions qui montent à Radisson.
Sur notre chemin vers Radisson, nous prenons le temps de faire quelques arrêts à différents points comme au Km 257 pour observer la rivière Rupert et ses cascades, la rivière Eastmain et son pont…
Et 8h plus tard nous arriverons à Radisson, bout de la route!
Radisson, village de 250 âmes dont 85 travailleurs d’Hydro-Québec (qui y résident sur une base temporaire).
La localité de Radisson est la communauté francophone la plus nordique du Québec, de toute l’Amérique et du monde, elle est également, au Québec, la seule communauté non autochtone au nord du 53e parallèle.
Même à l’autre bout du monde, Radisson dispose d’une station-service, un hôtel, un motel, un camping, un magasin général, une école, une église, un centre hospitalier, des restaurants et des bars, une palette d’activités de plein air, ainsi qu’un complexe sportif moderne avec piscine de dimension semi-olympique!
Radisson a d’abord été construite en 1974 dans le cadre des travaux de la première phase du projet hydroélectrique de la Baie James pour héberger les cadres de la Société d’énergie de la Baie James (SEBJ) et des entrepreneurs chargés des travaux, elle est distante de cinq kilomètres de la centrale hydroélectrique Robert-Bourassa, et ne devait être que temporaire.
Elle a été nommée en l’honneur de Pierre-Esprit Radisson, un explorateur français qui établit le commerce des fourrures entre l’Europe et la région de la baie James en fondant la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1670.
On ne se le cachera pas, Radisson n’a aucun charme à part si vous aimez le style préfabriqué.
Mais vous y découvrirez la vie d’une ville loin de tout.
Nous établissons nos quartiers dans une auberge 3*, de bonne qualité et récemment rénovée.
Pour le souper, ce sera chez Mika (attention, ne pas s’attendre à du gastronomique) Au menu, pâtes, pizza, burger, steak-frites, paté chinois….comme on dit, ça fait très bien la job.
Jour 4 : lundi 14 septembre 2015
7h30: Départ matinal pour la visite de la centrale La Grande-2 (LG2) – Aménagement Robert Bourassa
(Durée : 4h)
LG2 est la plus grande centrale hydroélectrique souterraine (à 140 m) du monde! Elle fût inaugurée le 29 octobre 1979.
Cette visite gratuite effectuée par des guides spécialisés d’Hydro-Québec dure environ 3h30 et nous amène dans la centrale souterraine mais également en surface à l’évacuateur de crues.
Nul besoin d’être un spécialiste ou un passionné d’hydroélectricité pour être captivé par cette visite. Le guide explique avec simplicité le fonctionnement de la centrale mais également les enjeux politiques (notamment avec la communauté des premières nations Cris) et naturels auxquels sa construction a dû faire face.
Dans la centrale, le guide nous mène dans les différents endroits clés du fonctionnement et notamment sous une turbine en fonctionnement.
En surface, nous nous rendons directement sur l’Évacuateur de crues, un escalier géant qui comporte dix marches taillées directement dans le roc, aussi haut qu’un immeuble de 53 étages.
Pour continuer dans le monde fantastique des grandes réalisations en hydroélectricité, nous visitons le Poste Radisson, où le principe d’une ligne à courant continu qui relie la Baie-James à Sandy Pond, près de Boston, ainsi que les nombreuses interconnexions à courant continu avec les réseaux voisins nous sont expliquées. Dis de même, ce n’est peut-être pas très excitant, mais je vous garantis qu’une fois sur place, c’est fascinant.
Puis route vers LG1 (la centrale La Grande-1) située à 62 km de Radisson, dernier maillon du complexe La Grande mise en service en 1995.
La centrale La Grande-1 est la dernière des centrales du complexe La Grande à turbiner l’eau de la Grande Rivière avant que celle-ci ne se jette dans la Baie James.
Jour 5 : Mardi 15 septembre 2015- Parc robert A. Boyd
Visite du Parc Robert A. Boyd
Sur le site d’un campement d’exploration reconstitué, le Parc Robert-A.-Boyd offre une visite guidée sur l’aventure humaine qui a réuni 185 000 travailleurs pour édifier l’un des plus grands complexes hydroélectriques au monde, révélant le génie des Québécois au monde entier.
Ainsi, on comprend mieux les conditions qu’ont vécu les travailleurs de la première heure, des répliques des divers bâtiments de l’époque dont installées sur le site. Le campement est baigné par les eaux de la rivière La Grande et les bouillons de la majestueuse chute de la rivière Utahunanis (Mosquito) qui longe le Parc.
Depuis le débarcadère LG 2-A sur la rivière La Grande, les visiteurs sont invités sur le bateau-passeur qui les conduit au lieu historique du campement G-68. Un guide-animateur leur fera vivre l’aventure humaine derrière les réalisations du complexe La Grande. La durée de la visite est d’environ deux (2) heures.
Nous prenons ensuite la route vers Chisasibi 9 village autochtone cri), dernière étape de notre tournée jamesienne.
C’est la communauté la plus proche de Radisson, à 100 km à l’ouest de Radisson et à 10 km de la baie James tout près de l’embouchure de la Grande Rivière.
Chisasibi a été établi au début des années 1980 lors de la fermeture et le déménagement de l’ancien village, Fort George, qui était situé 10 km à l’ouest, sur une île à l’embouchure de la Grande Rivière et qui allait être submergé par les eaux après la construction de LG1.
4000 personnes vivent dans cette communauté.
Visite rapide du Centre Culturel de Chisasibi qui regroupe de nombreux artefacts et expose l’histoire de la région.
Ce site récent va demander encore quelques ajustements au niveau de l’aménagement et du personnel.
Nous quitterons ensuite la Baie James en direction de Montréal à bord d’Air Creebec.
Ce voyage fût une véritable belle découverte! La Baie James est certes difficile d’accès et demande beaucoup d’heures de route mais les paysages offerts ne ressemblent en rien à ce que nous connaissons déjà du Québec, la Taïga et la forêt Boréale savent charmer par leurs couleurs et leur flore abondante (surtout les champignons!). Mais si cette région possède des paysages naturels magnifiques, elle est tout aussi passionnante au niveau de son histoire avec la communauté Cris et pour des réalisations aussi grandioses que ses centrales hydro.
Un vrai voyage hors des sentiers battus!