TOURNÉE DE FAMILIARISATION – À LA RENCONTRE DES CRIS

Par Mathilde —

À l’instar de ma collègue Fanny, qui a eu la chance de découvrir l’immensité de la Baie-James en septembre dernier, j’ai eu l’opportunité à mon tour de fouler ce territoire immense et sauvage. Mon programme était complètement différent de celui de Fanny et cela nous permet d’avoir une vision globale et complémentaire de ce que la région a à offrir : alors qu’elle a visité une communauté Crie en particulier (celle de Waskaganish) avant de se concentrer sur la route Jamésienne (comprendre : la route des Blancs, avec hébergement en éco-gîtes et visite de centrale hydroélectrique notamment), mon fam tour était axé sur la rencontre avec les Amérindiens Cris et l’immersion en pleine nature. J’ai visité d’autres communautés et testé d’autres produits.

Mise en contexte

Le Québec compte pas moins de 11 différentes nations Amérindiennes, dont les Cris.

Les Cris occupent la région depuis des millénaires, leur mode de vie traditionnel est fondé sur la chasse, la pêche et le piégeage. Les premiers contacts avec les Européens (aujourd’hui appelés les Jamésiens) remontent au début du 17e siècle avec comme objectif principal la traite des fourrures qui s’est pratiquée pendant près de 300 ans.

Aujourd’hui, deux collectivités cohabitent dans cette région : les Jamésiens (environ 16000 habitants) et les Cris (environ 17000 habitants).

Consultez le site de l’office du tourisme pour en apprendre plus sur l’histoire et la culture de la région.

Lundi 20 juin

L’aventure commence très tôt le lundi 20 juin au matin à l’aéroport de Montréal, où je fais connaissance avec ma partenaire sur le fam tour, qui travaille au ministère du tourisme. Un petit avion d’Air Creebec nous emmène jusqu’à Chibougamau, et nous sommes accueillies par Roch, le représentant de Tourisme Eeyou Istchee Baie-James, dont la devise est Décrochez comme jamais.

Nous prenons la route vers la communauté Oujé-Bougoumou qui est toute proche. Après avoir été déplacés pas moins de 7 fois, à cause des différents projets d’exploitation de la région, les habitants se sont mobilisés pour avoir une ville permanente et de véritables infrastructures. Le village est donc récent et date de 1992, il a un aspect flambant neuf.

Nous ne pouvons malheureusement pas visiter le musée Aanischaaukamikw, un institut culturel Cri hautement interactif, qui est fermé pour cause de jour férié. C’est une visite à ne pas manquer dans la région pour découvrir la culture Crie.

Le tour de ville avec Roch nous en apprend plus sur la communauté et les principaux rassemblements annuels, dont le « Goose break » au printemps et le « Moose break » à l’automne. On apprend que la raquette est un mode de transport privilégié et encore transmis de génération en génération lors d’un événement dédié.

Nous nous installons ensuite au campement traditionnel Nuuhchimi Wiinuu, pour une immersion en pleine nature. Nos hôtes Cris, Anna et David, nous accueillent dans le chalet principal où ils sont basés et où se prennent tous les repas. Seuls des forfaits 3 nuits sont offerts, pour permettre une immersion totale. Quand nous l’avons visité, le site n’était pas encore tout-à-fait terminé (c’est un nouveau produit), donc nous avons bien hâte de voir le produit final.

Autour du chalet principal, sont disposées des tentes prospecteur traditionnelles, au confort encore rustique. Des trottoirs de bois permettent de circuler sur le site, un trottoir de bois avec un gazébo sera également installé au bord du lac.

Toutes les activités sont incluses : des balades en canot sur la rivière toute proche, qui nous mène à un barrage de castor, ou sur le lac, une courte randonnée autour du site, et surtout une plongée dans la culture Crie avec un moment privilégié avec Anna et David sous l’une des tentes, qui nous ont fait plusieurs démonstrations traditionnelles : comment les femmes habillent leur nouveau-né avec des peaux et leur fabriquent un petit hamac, comment les hommes fabriquent des raquettes, etc.

Le barrage de castor

Les repas se prennent tous au chalet, avec Anna et David, et sont traditionnels. Là, nous assistons aux allées et venues de plusieurs membres de la famille, dont la fille et la petite-fille d’Anna, venues donner un coup de main en cuisine. On peut les entendre échanger en Cri, on ne comprend absolument rien tellement cette langue est éloignée de tous nos repères linguistiques, mais l’immersion n’en est que plus totale et plus authentique. Au menu de ce soir, du doré (un poisson blanc), accompagné de légumes et maïs.

Nous nous installons ensuite pour notre nuit, après avoir pu admirer un magnifique arc-en-ciel.

Le produit est très intéressant mais ne s’adresse pas à tous les clients. Il faut avoir conscience que le confort et les installations sont très rustiques (toilettes à composte, sac de couchage pour dormir, etc.). Ici, on privilégie surtout l’immersion en pleine nature et les rencontres authentiques.

Mardi 21 juin

Nous empruntons aujourd’hui la Route du Nord, une route en gravier (bien entretenue quand nous l’avons empruntée), qui nous mène au cœur de la forêt boréale, où les sapins succèdent aux lacs qui succèdent aux sapins. Ce paysage est infini, et on peut rouler des centaines de kilomètres sans croiser âme qui vive, autant dire qu’il faut avoir fait le plein d’essence avant de partir 😉 Nous traversons de nombreux barrages hydroélectriques, qui sont tous automatisés avec seulement une ou deux personnes présentes pour entretenir la centrale. Il y a quelques relais qui nous permettent de faire le plein d’essence et de se restaurer, c’est plutôt fast-food mais ça dépanne.

La météo ne nous permet pas d’aller à notre campement, donc nous dormons dans un hôtel standard.

Mercredi 22 juin

Nous pouvons ce matin nous rendre au campement où nous devions nous rendre la veille, chez Shammy, nom du grand-père de notre hôte Angus, qui gère le site avec sa femme Stéphanie. L’aventure commence dès qu’on laisse la voiture pour s’y rendre : on emprunte un canot à moteur pendant environ 1 heure, avant d’embarquer sur un puissant quad pendant une trentaine de minutes sur un chemin très accidenté – notre hôtesse Stéphanie a une maîtrise parfaite du véhicule, ouf ! – avant d’arriver sur le site, au cœur de la nature. Un puissant sentiment d’être seuls au monde nous envahit : que dire face à toute cette immensité ? Nous sommes loin, très loin, de toute civilisation. Le campement est conçu sur le même modèle que Nuuhchimi Wiinuu, avec un chalet principal, des tentes prospecteurs traditionnelles, et un tipi pour apprêter la nourriture, mais les activités sont plus axées sur la grande nature sauvage alentour.

Encore une fois, le site n’est pas encore terminé – la grande ouverture est prévue fin août 2016 – mais on s’imagine déjà au sommet de la petite colline faisant face au site à 5km, ou sur un rabaska sous les étoiles, où le ciel étoilé n’a pas d’égal (il n’y a aucune pollution lumineuse) et où les aurores boréales daignent parfois se montrer pour leur danse lente et hypnotisante. Le confort reste rustique, donc les clients doivent bien avoir toutes les informations concernant le site.

À notre arrivée au chalet, un bon feu nous attend, le thé est prêt pour nous réchauffer (pendant qu’il fait 30 degrés à Montréal, une vague de froid s’abat sur nous et les températures sont à peines quelques degrés au-dessus de zéro…).

Une longue route nous attend ensuite pour nous rendre au village de Wemindji, situé au bord de la Baie-James. Nous arrivons assez tardivement, juste le temps de nous installer à notre petit hôtel, simple mais confortable.

Jeudi 23 juin

Ce matin, notre guide Alex, de la communauté de Wemindji, nous offre un tour de ville. Nous en apprenons beaucoup sur le fonctionnement de la communauté, le Conseil de Bande (qui est l’équivalent de notre mairie), l’accès à la propriété (seuls quelques habitants sont propriétaires, les autres paient un loyer au Conseil de Bande, qui est proportionnel à leur revenu), les installations, le site où ont lieu les grands événements traditionnels, etc. Tout comme Oujé-Bougoumou, la communauté est récente et donc la ville a l’air « neuve », est très propre et bien entretenue. Les installations sont massives par rapport à la taille de la ville. De nombreux tipis sont visibles dans les cours des maisons : nous sommes loin ici de tout folklore, les tipis sont utilisés traditionnellement pour cuisiner et fumer la viande et le poisson.

Les tipis sont installés dans les arrières-cours et jardins des maisons, et sont utilisés pour cuisiner et fumer les viandes et poissons.

Le bâtiment administratif du Conseil de Bande

Deux femmes Cries préparent les outardes de façon traditionnelle.

Au loin, on aperçoit l’embouchure de la Baie-James. Avant d’arriver sur ses côtes immenses, il faut naviguer environ 45mn.

Après le lunch, c’est déjà l’heure du départ, et notre avion survole la majestueuse Baie-James pour une vue époustouflante.

Ce fam tour aura été l’occasion de découvrir une région encore sauvage et méconnue, qui a un énorme potentiel touristique. L’accès est long en voiture (compter 10h de route pour entrer dans la région depuis Montréal) ou encore onéreux en avion, mais des accords sont en cours pour réduire les coûts. L’immersion dans les différents villages Cris est authentique et bien loin des clichés qui sont trop souvent véhiculés, les rencontres sont sincères et intéressantes, et la notion du temps est complètement différente de la nôtre : ici point de presse ni de stress ! Le confort est rustique, il faut donc bien savoir à quoi s’attendre avant de se lancer dans l’aventure, et l’offre touristique doit encore se structurer pour une expérience optimale. Mais le sentiment d’immensité, lui, ne nous lâche pas, pour notre plus grand bonheur.

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